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Le Tching's Ciné entend proposer, au découragement outragé de son lecteur pourtant bien téméraire, l'arbitraire immodeste de son oeil critique, aguerri sur les rares films dont il aura bien daigné faire la découverte.

 

En somme des analyses, des critiques, la vérité, et surtout une rencontre, lecteur et néanmoins déjà ami, entre toi, et moi...

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« De même que le seul temps qui importe est celui du film, le seul ''personnage'' important est le spectateur. C'est dans sa tête que se déroule toute l'histoire, qui est exactement imaginée par lui. Encore une fois, l'oeuvre n'est pas un témoignage sur une réalité extérieure, mais elle est à elle-même sa propre réalité » A. R-G.

2 novembre 2014 7 02 /11 /novembre /2014 00:00

Mauritius-Cornelius-Escher                   

 

 

 

Après l'épouvantable numéro 1 de cette désormais moins brève série "Qu'est-ce qu'un blog ciné ?", je voulais revenir un peu, latéralement, sur cette activité du blog ciné - et qui peut se flatter d'être davantage latéral que votre serviteur, lequel n'a pas proféré la moindre chose en ce lieu sans lieu depuis plus d'un an ? De même, qui peut mieux juger de l'activité sinon un furieux engagé dans l'inactivité ?

 

 

        Un fait d'abord, misérable de confession et de partialité : je n'aime pas le cinéma. Ou du moins j'aime moins le cinéma que l'écriture et les idées que le cinéma métamorphose en cinéma. Or ce point précisément conteste l'expérience majoritaire du blog ciné ; que ce moi qui aime les idées-cinéma est autre que ce moi qui aime le cinéma - avec ses idoles, ses opinions, ses préjugés rhétoriques et marchands. 

 

         Une remarque adjacente, (remarque sur toute confession, à rendre intolérable toute phrase porteuse d'un "j'aime" ou "je n'aime pas" comme ci-dessus) : il est probable que le blog, plutôt que de lier des libertés, constitue en réalité des servilités ; un espace comme tant d'autres et peut-être mieux que certains autres où je suis insidieusement amené à avouer des plaisirs et des désirs traçables, identifiables, commercialisables. Dire sa sensibilité et la manière dont son corps réagit machinalement à tel appât filmique n'a non seulement aucun intérêt, mais s'avère même pernicieux (imagine qu'un démon vienne te visiter une nuit et, prêt à enregistrer tes envies comme des données, t'exhorte de la sorte : "avoue ton plaisir, ton désir, ton opinion et ton goût. Donne moi ton avis sur tout...").

 

        Un désir ensuite : j'aimerais simplement mettre en discours ce qui n'a fait que se dévoiler de lui-même, à mesure de l'écriture : que le blog ciné ne doit pas être ce qu'il est. Ce qu'il est, un ensemble de goûts affichés, de préférences irréfléchies, de plaisirs et de désirs affichés par un spectateur lâche et paresseux. Ce qu'il doit être, un jugement sur les idées que le film se propose de traiter, que ces idées soient purement philosophiques (au sens où toute idée est philosophique) ou bien cinématographiques-esthétiques (au sens peut-être où Deleuze parlait d'idées-cinéma...) : travail sur les couleurs de l'image, les jeux sur l'espace et le temps, les types de mouvement imposés à l'image, en somme ce que l'on a pour habitude de regrouper, et peut-être hâtivement pour cette raison qu'il s'agit bien d'idées, sous la catégorie de "forme".

 

          Une conséquence : importe moins la subjectivité des goûts et des couleurs que l'objectivité des idées développées, leur cohérence, leur intérêt, leur innovation au sein d'une histoire, leur tour de force à l'intérieur d'un champ d'autres forces. On m'objectera sûrement que le blog n'est fait que pour cela, partager ses goûts et ses couleurs, et qu'il n'y a qu'à retourner à mes dissertations, si tel est mon plaisir ; mais qu'ici toutefois nous échangeons bien pour dire si et combien nous avons été émus, renversés, ou indifférents. Et peut-être, d'ailleurs, fus-je et serai-je amené à dire, comme par un fiévreux rappel du plaisir à parler de ses plaisirs, que "j'ai bien aimé". Il me faudra cependant évincer asymptotiquement, puisque tel est "le nouvel idéal", tous ces écueils sensibles, afin de n'être vigilant qu'aux idées (quelque chose comme le "thème", la "thèse", les "arguments" et les "exemples" cinématographiques). Un film n'est pas un bloc sensoriel devant lequel j'aurais à cliquer sur "j'aime", mais une oeuvre qui soutient une position intellectuelle et esthétique, dans un devenir et contre d'autres positions. Apprécier un film, ce n'est pas engager son moi passionnel dans un rapport d'attirance/répulsion avec lui, c'est exalter son moi intelligent dans un rapport de dialogue critique : pensée contre pensée.


           Une objection : ce désir de vérité n'entraîne-t-il pas la négation même ("l'auto-contradiction") du discours sur l'art, centré sur le beau, c'est-à-dire la manière en apparence subjective dont je, tu, il trouve telle oeuvre belle et telle autre laide ? A cela peut-être répondrai-je avec l'accent du vieux maître de Königsberg, et clamerai-je sans doute qu'en matière d'art une objectivité forte doit se fonder au coeur d'une subjectivité forte, et que ce qui est beau, c'est moins l'objet comme tel que le libre jeu des facultés intellectuelle et imaginative à l'intérieur du sujet. Le beau peut bien relever d'une prétention universaliste, s'ancrer au coeur du sujet, et ne pas remettre en cause un discours qui, désormais, voudrait ne s'en tenir qu'aux idées. Le désir de vérité peut en même temps vouloir haïr le bon, et aimer le beau.

 

          Un impératif enfin : "n'avoue ni ton plaisir, ni ton désir, ni ton opinion, ni ton goût". Ou, de manière plus concise et peut-être plus joueuse : "donne un avis qui refuse catégoriquement de donner un avis".

 

 

 

 

Les autres numéros de "Qu'est-ce qu'un blog ciné ?" :

 

#1

 

 

 

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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 09:30

Abraham-lincoln.jpg

 

 

                       Pour fêter le retour du blog parmi les vivants (...), voici un film classé "vampires" : Abraham Lincoln, Chasseur de Vampires. Pourquoi ce film ? Pour plusieurs raisons : une avant-première, un gros divertissement, le réalisateur de Wanted (ma première critique), et un sujet qui traite de l'esclavage (ce qui ramène à ma triste condition sur ce blog).

 

Comme les synopsis que j'ai lus ont été bricolés par des manches qui n'ont pas vu le film, je vais faire le boulot tout seul : "Alors qu'il n'a que 9ans, Abraham Lincoln, futur président des États-Unis, travaille avec son père pour un riche notable. Lorsqu'il voit son meilleur ami, noir et né libre, se faire emmener comme esclave par ledit notable, Abraham s'interpose et oblige son père à intervenir. Suite à cet événement, le notable, en réalité un vampire, se venge en tuant la mère d'Abraham. À partir de ce jour, Lincoln n'aura qu'une idée en tête : venger la mort de sa mère".

 

                        Réalisé par Timur Bekmambetov (NightWatch, DayWatch, Wanted), ce film catégorisé "horreur" (puisqu'il y a des vampires dedans, ca fait peur...) est l'adaptation du roman éponyme de Seth Grahame-Smith. Mais derrière le nom de ce film qui sent bon le Direct to DVD et qui donne franchement envie de rire, se cache un blockbuster pas si mauvais que ça ! Pour la petite histoire, durant la promotion d'un de ses bouquins, Seth Grahame-Smith a vu des livres sur Lincoln (200ans de sa naissance) à côté de livres de Twilight... Et bim, voilà l'idée !

 

                        Il s'agit donc d'une "autobiographie fictive" d'après son auteur, loin de Lincoln et encore d'avantage de la &#% qu'est Twilight. Cependant l'intégration des vampires à l'Histoire est plutôt réussie, et le mélange horreur/fun également. Le déroulement de l'histoire n'est pas exceptionnel, et seules quelques trouvailles surnagent au milieu des rebondissements, clins d'oeil, et trucs fun prévisibles. Bref, ce n'est pas mauvais (loin de là), mais ça manque terriblement d'originalité. De plus, à l'instar de Wanted, c'est un film fantastique, laissant place à de l'incroyable qu'il faut finir par accepter...

 

                        Maintenant que ces deux points noirs sont exposés, place à la grosse, immense, incommensurable qualité de ce film : son esthétique ! Une des plus grosses claques visuelles que j'ai eues au cinéma (du niveau d'Avatar ou de 300 pour la beauté des images), avec une vraie bonne 3D : il ne me semble pas avoir vu une seule scène sans profondeur de champ. De plus, la majorité des combats est vraiment bien chorégraphiée, sans atteindre toutefois The Raid (un peu d'auto-promo ne fait jamais de mal). Pour finir, un mot sur le casting : c'est plutôt bien joué, mais le personnage principal manque clairement de charisme par rapport à son "mentor" et par rapport à son "ennemi".

 

En résumé, et tout en faisant la comparaison avec Wanted : manquent le cynisme du personnage que j'avais adoré et un scénario plus poussé, mais on y retrouve clairement la patte de Timur, et son goût pour une réalisation travaillée et hyper-esthétisée. Abraham Lincoln : Chasseur de Vampires est un film à voir (avec la 3D of course) - plus pour ses qualités visuelles que scénaristiques.

 

3 étoiles et demi

 

 

 

 

 

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 18:10

 

Les-fraises-sauvages.jpg

 

 

                    Plutôt bon film d'Ingmar Bergman, sur le regard du vieux professeur de médecine Isak Borg (Victor Sjöstrom), porté réflexivement sur le fil de son existence à travers le miroir de la Fin. Isak a sacrifié sa vie à ses travaux scientifiques, et son attachement aux seconds est à la mesure de son éloignement par rapport à la première. L'incipit du film, ouvrant ainsi sur le dos du vieil homme occupé à écrire ses mémoires, commence par ces mots, symptômes d'un pessimisme mondain ou inter-subjectif, tutoyant la belle âme hégélienne : "notre commerce avec les hommes consiste surtout à des critiques. C'est pourquoi j'ai pratiquement cessé toute fréquentation et je vis en solitaire". Le monde des vivants déçoit, résiste ; et la seule issue, c'est le travail, c'est l'oeuvre. L'ardeur, l'ivresse pour la science ne prennent sens que par rapport à l'impossibilité obstinée de relations humaines émancipatrices. Isak est irrémédiablement seul, alors que le professeur Borg est unanimement loué. En un sens, Les fraises sauvages ne parlent que de cette scission : l'auteur, et l'homme ; le scientifique, et le mari ; le savant reconnu, et le père isolé.

 

                     D'un pôle à l'autre de cette scission, pourtant, Bergman tente des médiations, que racontent Les fraises sauvages. Il s'agit en un premier sens d'un voyage en voiture, du domicile d'Isak jusqu'à Lund, où il doit recevoir la récompense scientifique ultime. Mais évidemment, il s'agit moins d'un voyage physique au sens d'un pur déplacement ou translation dans l'espace, que d'un voyage personnel, intérieur, intime : ce n'est pas deux villes que Bergman veut s'évertuer à lier par tant de médiations, ce sont deux fractions du moi ou même deux moi (Proust, que l'on retrouve à plusieurs niveaux dans Les fraises sauvages : les deux moi du Sainte-Beuve, mais aussi et surtout le temps perdu...). C'est pourquoi, principalement, Les fraises sauvages ne sont pas qu'un film de fiction biographique sur Isak Borg, mais un film autobiographique d'Ingmar Bergman (I.B.) sur son rapport à l'oeuvre d'art. Ce qui doit être réconcilié en un sens, c'est Bergman auteur, et Bergman vivant.

 

                      C'est dans le mélange de la fiction et de la vérité que Les fraises sauvages est le plus inventif : Bergman mêle habilement souvenirs, rêves, scènes réelles, qui se chevauchent et prennent sens par résonnance (le couple qui se déchire, appelle l'échec du couple Marianne(somptueuse Ingrid Thulin)/Evald, le fils d'Isak, qui appelle à son tour l'échec conjugal d'Isak). Ce qui vivifie toute cette chaîne d'échos successifs, c'est d'abord le fait de son existence : si cette longue série de médiations a lieu, se développe et progresse, c'est qu'Isak accepte de revenir sur le constat pessimiste qui ouvrait le film. Les hommes ne sont plus dénués d'intérêt ni de promesse : à l'image de Sara (Bibi Andersson), jeune autostoppeuse tiraillée par l'amour, ils sont, pour Isak, l'occasion redoublée de comprendre les échecs passés et de construire un temps nouveau, non plus malgré eux mais avec eux. Les fraises sauvages entretiennent alors avec le temps des rapports croisés et équivoques : l'avenir -presque impossible, compte tenu de l'âge d'Isak, et contrarié par l'habitude (la fidèle Agda refusant de le tutoyer, la jeune troupe n'entendant pas son désir de revenir le voir) - ne pourra s'ouvrir qu'en s'excusant du passé. Et en même temps, le passé continue d'écarter les deux moi, à rendre difficile leur conciliation apaisée. Les derniers mots des Fraises sauvages sont un grand pardon en même temps qu'un grand oui à la vie - mais un oui gêné, obstrué, voué à l'échec.

 

                      Animé par une mise en scène et une image impeccables, Les fraises sauvages souffrent cependant d'un manque de vie, d'effervescence peut-être : le film, malgré de bonnes intentions mais sans jamais s'envoler, paraît s'épuiser comme s'épuise aussi le vieil Isak. Zou, 14/20.

 

 

3 étoiles et demi

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 17:40

the-raid.jpg

 

 

 

Un film d'action bourrin à souhait + une sortie québécoise précoce d'environ deux mois = voilà ma critique de The raid !


Le synopsis made in moi, puisque les autres (Allociné, Wiki) sont médiocres : "Un chef mafieux possède un immeuble transformé en forteresse : le centre de son business où il loue à de mécréants fugitifs un refuge contre la police ou les gangs. Toutes les attaques contre cet immeuble se sont conclues par des échecs, mais une équipe de policiers d'élite est tout de même envoyée pour capturer le boss. Ce sera donc un combat sans merci entre la police et le mal : le chef mafieux, ses deux bras droits (ses acolytes, pas ses deux membres supérieurs), et les malfrats locataires."

                       Film découvert par l'intermédiaire de Mike Shinoda (Linkin Park, Fort Minor), qui en a écrit la musique et en fait beaucoup de pub sur les réseaux sociaux. Parce que je suis fan de Shinoda (qui ne peut par conséquent pas se tromper...), et pour plusieurs autres choses, il m'était légitime d'espérer beaucoup de The raid : film d'action asiatique interdit au moins de 16ans, quelques nominations dans des festivals (avec le prix du public à celui de Toronto en septembre 2011), une bande-annonce qui envoie ce qu'il faut d'hémoglobine et de tatanes dans la gueule, et quelques critiques l'annonçant comme le meilleur film d'action des 10-15 dernières années...

                        Réalisé par Gareth Evans dont j'ignorais l'existence avant la découverte de ce film indonésien, The raid est porté par Iko Uwais qui est au Silat ce que Tony Jaa est à la Muay Thai (ou... Shinoda à la musique) : un mec qui déchire.

                       Pour commencer, il me semble urgent de préciser qu'il n'est pas nécessaire d'emporter son cerveau avec soi pour apprécier ce film : au contraire ! Le scénario tient sur un post-it (recto-verso, mais post-it quand même) : une histoire avec quelques rebondissements, mais au sens de deux ou trois ricochets dans l'eau....

                        Là où ce film se démarque des autres productions du genre, c'est principalement par sa réalisation : si on enlève deux ou trois très courts passages où on ne comprend pas grand-chose en raison d'une luminosité douteuse, la réalisation est superbe et immersive. Des jeux de lumière et des mouvements de caméra placent au coeur de l'action. Il y a également de bonnes idées de combats, une bonne gestion de l'espace (c'est un huis clos, mais l'action se déroule sur plusieurs étages de l'immeuble), de la violence (même si j'en voulais plus : des démembrements, des litres de sang, des entrailles, des cervelles sur le mur, des oreilles sur le sol, bref du gore : déjà interdit -16ans autant y aller franchement !), des combats en 1 contre 1, 1 contre 36, et même 2 contre 1 dans un combat épique (supériorité des gentils, assez rare pour être signalé). Et enfin une bande-son extraordinairement géniale de Mike Shinoda.

                       Restent deux points négatifs : premièrement la scène d'introduction où on voit que le héros du film a une femme enceinte... ça n'a juste aucun intérêt si ce n'est de vouloir ajouter de manière grossière le quota d'émotion minimal dans un film qui devrait rester vierge de sensiblerie. Deuxièmement, ça reste un film d'action pur et brut, donc n'en attendez rien d'autre à moins d'être déçu (comme moi).

Bref, très bon film d'action/arts martiaux qui certes ne révolutionne pas le genre, mais représente un poids lourd de sa catégorie grâce à ses qualités de mise en scène et de réalisation. Une tuerie.

 

3 eÌ toiles et demi

 

 

 

P.S : Le lien pour cette exceptionnelle BO, c'est ICI !

 

 

 

 

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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 16:00

Les critiques expresses, c'est un principe : "la vie est courte", et puis un remords : écrire, quand même un peu, sur ce fichu blog. Aujourd'hui, quatrième numéro des Critiques expresses, consacré à deux films, je sais, c'est épique : Equilibrium, Les demoiselles de Rochefort. Tout n'est pas bon, c'est le moins qu'on puisse dire.

 

Equilibrium - 2002

 

equilibrium.jpg

 

 

                          Film moyen de Kurt Wimmer, fiction débutant pourtant dans un cadre bien senti, et dans la continuité des oeuvres "d'anticipation" (Le meilleur des mondes ou 1984) : dans le futur, la paix a succédé aux guerres et leurs massacres gratuits, mais au profit d'une dictature policée en mode Big Brother menée par un guide spirituel, Le Père. Pour maintenir la paix et le bonheur, la société impose à tous ses sujets l'inoculation quotidienne d'une substance régulatrice et inhibitrice, le Prozium, réduisant à rien toute émotion, toute sensation, toute petite graine d'intensité et de vie. Et toute tentative visant à nuire ou à s'émanciper de cette grande cité castratrice est punie : tout projet pour retrouver ses pulsions et instincts vitaux, toute révolte contre le pouvoir souverain du Père ou contre la loi bienveillante de la cité Libria est sanctionnée par la mort, nette et rapide. Toute cette mise en scène "science-fiction" est riche en idées certes, bien que puisant la majorité de celles-ci dans les classiques du genre ; mais la manière de mettre tout ça en ordre et en images n'est pas lumineuse, loin s'en faut (cf. cette introduction particulièrement risible en voix off avec des plans de Saddam Hussein). On suit, en guise de fil conducteur, l'aventure particulière du héros, de l'élu (au sens matrixien du terme) John Preston (Christian Bale, dont ce n'est pas le meilleur film...), bras droit armé du Père et de la police de Libria, massacrant dans l'oeuf, et sans le moindre sentiment de surcroît, tout embryon de résistance. Beau, impitoyable, invincible, mais serf.

                           Seulement, John Preston vient à perdre sa pillule, ne la remplace pas, ne prend pas la seconde, et retrouve peu à peu le sous-sol vital de pulsions et de sentiments annihilés par le Prozium. Sous la comédie sociale maintenue pas le poison, la luxuriante nature, la vie et ses richesses. Plutôt que d'enquêter sur la résistance afin de l'anéantir, John Preston y est conduit au sens d'une tentation, d'une redécouverte, d'une renaturalisation salvatrice. Le problème quand même d'Equilibrium, ce n'est pas la parti pris de la science-fiction, ce n'est même pas les scènes d'action et de combat plutôt réussis et envisagés sous un angle assez neuf, c'est le manque d'intelligence et de sensibilité qu'il manifeste dans tout cette perspective-là, de "renaturalisation". Je passe sous silence la pauvreté affligeante des dialogues, les interprétations figées et démodées des acteurs en mode "je ne ressens rien" et la laideur des décors ou des costumes (qui mêlent savamment religion et Star Wars...). Mais tout ce retour à l'humaine condition par le truchement d'un air de Beethov, d'une pulsion sexuelle consécutive à un regard puis à une caresse, ou d'un rapport affectif pour un chien (rien à voir, cela dit et c'est dommage, avec la pulsion sexuelle précedemment décrite) est d'une niaiserie peu commune. En d'autres termes le schéma général n'est pas mauvais, bien que pompé dans ses grandes lignes, mais son développement phénoménal est quand même fichtrement moisi. Un chien quand même... Et puis une résistance sous-terraine, en haillons, mais humaine tellement humaine, attendant son Messie pour renverser le despotisme hypocrite... C'est à vomir de bêtise. Et pourquoi, pourquoi diable s'est-on vu obligé de nous gaver au surplus d'une histoire d'amour tragique dans le passé refoulé de John Preston ? L'anticipation n'autorise pas tout ; encore faut-il ne pas être profondément attardé pour le reste... Bim, 10/20. Sorry Christian.

 

2 étoiles et demi

 

 

Les demoiselles de Rochefort - 1967

 

Les-Demoiselles-de-Rochefort.jpg

 

 

                             Médiocre film de Jacques demy et d'Angès Varda, classique parmi les comédies musicales, avec ses airs mémorables et j'ose espérer, pour mon salut, oubliables. Il y a une volonté insupportable de joie dans Les demoiselles de Rochefort : trop de couleurs vives amoncelées, trop de vert, de rose et de jaune, trop de mouvement, trop d'envie, trop d'enthousiasme délirant, trop d'insouciance gaie, trop. Ca déborde d'intentions et ça dégouline de bons sentiments, le mal est évacué, le négatif rejeté dans un outre-monde, la laideur et la tristesse refoulées (ou dans un passé bientôt relevé en une apothéose finale, ou dans un à-côté sordide - le journal et l'affaire de meurtre, de dépecage, qui attend elle aussi résolution). Les demoiselles de Rochefort présente une multitude de corps dansant et festoyant pour rien, dans un monde qui ne connaît ni misère ni tristesse, mais qui attend seulement une fusion, l'amour : les deux jumelles, Solange (Françoise Dorléac) et Delphine (Catherine Deneuve), sont deux anges, deux muses, en quête pourtant d'exaltation sentimentale. En un sens, tout fonctionne selon une logique binaire dans le film : le couple (hétérosexuel, faut pas déconner) est la norme absolue, et si quelques couples sont formés d'emblée, c'est pour disparaître en tant que couple d'amis (forains) ou de soeurs et tendre toujours davantage vers le couple fusionnel homme-femme, bonheur ultime. Disons le tout net, la musique et  la danse, horripilantes de gaieté sans bornes, accentuent la détestable surimpression des couleurs. Tout ça nous est en plus répété jusqu'au dégoût avec un sans-gêne improbe. Un dernier f***! pour tous les films musicaux qui rajoutent de la musique sur des mannequins mimant, c'est détestable.

                            L'autre chose, encore plus terrifiante, c'est toute cette structure d'harmonie pré-établie qui appelle comme si tout était joué par avance une réconciliation radieuse, une fin heureuse, les jumelles parvenant au grand amour, le vieux couple se reformant, et tout cela dans une succession d'emboîtements (je ne parle pas des protagonistes, mon Dieu, que sexe soit banni) successifs, de coups miraculeux et de retombées de dés parfaits. Le hasard fait si bien les choses... Tout le film tient dans ce portrait du jeune peintre, en quête de son idéal féminin et représentant sur une toile le portrait de Delphine, cet tension sans cesse empêchée, gênée, retardée (mais pour mieux finir), jusqu'à la réunion finale des deux élus. Fichues, fichues téléologies métahistoriques. Le tout offre le spectacle assez affligeant d'un excès de bonheur, à vous faire regretter 68. Et les passages en alexandrins ratés n'arrangent rien. Saluons, tout de même, la beauté et le charme hypnotiques de Catherine, qui inondent le film d'une grâce peu commune. Pour elle seulement, 12/20.

 

3 étoiles

 

 

 

Les Critiques expresses sur le Tching's Ciné :

 

 

1 - Un dimanche à la campagne, L'incroyable Hulk et A la folie, pas du tout

 

2 - Vivace et 8 femmes 

 

3 - The Patriot, The man from nowhere et Bitch Slap

 

 

 

 

 


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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 20:00

Scott-Pilgrim.jpg

 

 

                             Après quelques posts "grand public", me voici de retour sur le genre pour lequel on m'exploite : le film de geek ! Et comme Lilly le réclame depuis longtemps, ce sera Scott Pilgrim.

 

 

Synopsis d'Allociné : "Scott Pilgrim n’a jamais eu de problème à trouver une petite amie, mais s’en débarrasser s’avère plus compliqué. Entre celle qui lui a brisé le cœur – et qui est de retour en ville – et l’adolescente qui lui sert de distraction au moment où Ramona entre dans sa vie - en rollers - l’amour n’a jamais été chose facile. Il va cependant vite réaliser que le nouvel objet de son affection traîne les plus singulières casseroles jamais rencontrées : une infâme ligue d’ex qui contrôlent sa vie amoureuse et sont prêts à tout pour éliminer son nouveau prétendant. À mesure que Scott se rapproche de Ramona, il est confronté à une palette grandissante d’individus patibulaires qui peuplent le passé de sa dulcinée : du mesquin skateur à la rock star végétarienne en passant par une affreuse paire de jumeaux. Et s’il espère séduire l’amour de sa vie, il doit triompher de chacun d’eux avant que la partie soit bel et bien « over »."

 

 

                          Inspiré du comics book éponyme, ce film fantastique (et il faut le regarder comme tel) - réalisé par Edgard Wright, à qui l'on doit les excellents Shaun of the Dead et Hot fuzz (mais ici sans le duo Simon Pegg/Nick Frost) - s'adresse principalement (voire uniquement) aux personnes ayant une culture jeux vidéo/manga/comics ! Le film regorge de références à ces univers (voir la page wiki pour ceux que ça intéresse, ou encore mieux : le film), et se "déroule" comme un véritable jeu vidéo (sauf qu'on ne prend jamais le contrôle... vivement les prochaines avancées technologiques !).

 

                           Ce film a un gros point faible : l'intrigue. Cependant "osef" puisque Scott Pilgrim se débarrasse vite du fond, pour se concentrer sur la forme. Le côté geek poussé très loin est un parti pris qui risque de rebuter tous les newbies du domaine, mais c'est aussi la réussite du film.
                          Maintenant, en laissant de côté l'histoire, et en supposant que le "geek spirit" soit en vous, Scott Pilgrim est un petit bijou. On se retrouve devant un film multigenre (fantastique, comédie musicale, comédie romantique, teen movie, action, combat,...) plein de fraîcheur. Il y a un humour pointu (comme souvent avec Wright), des références/clins d'oeil en grande quantité (musiques de jeux connus, ambiances des jeux de combats, le logo d'Universal pixellisé, des onomatopées en pagaille, etc.), des transissions hallucinantes (voire étranges)... Bref, ça part dans tous les sens, et c'est bon !

                 Concernant le côté technique du film : réalisation originale et complètement barrée, jeux d'acteur volontairement décalés (mais bien interprétés par de jeunes acteurs), musique sympathique, montage style comics, et quelques guest.


Donc un bon film, très divertissant, qui s'adresse clairement à un style de spectateur (dont je fais manifestement partie), mais qui malheureusement manque d'un "petit quelque chose" qui le rendrait vraiment top ! GG Edgard !

 

 

 

3 étoiles et demi

 

 

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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 00:00

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                             Très bon film de Béla Tarr, ultime oeuvre de son auteur selon son auteur. Film difficile et simple, éprouvant aux frontières de l'ennui, ironique et grave, Le cheval de Turin a d'abord l'énorme mérite de proposer autre chose - une autre image, un autre temps, une autre narration, une autre couleur, une autre pensée ou un autre sentiment, un autre cinéma en somme, aux antipodes de la médiocre consensualité, frénétique et bête, du cinéma actuel (qu'on pense à la reconnaissance faite au dernier d'Hazanavicius, loué pour sa prise de risque et son culot, et pourtant composé, certes avec habileté, comme le sont tous ses concurrents actuels - mais on ne félicite la différence que parce qu'elle n'est pas si lointaine, c'est entendu). Le film de Béla Tarr laisse cette zone d'incertitude et d'incompréhension propre à toutes les oeuvres consistantes, à mi-chemin entre l'admiration muette et la gêne : quelque chose s'est passé là, devant les yeux, qui demande arrêt, suspension, retour. Abasourdi par la longueur, la pesanteur, la beauté de cette oeuvre circulaire, on est mystérieusement appelé à revenir sur Le Cheval de Turin après l'avoir découvert ; une histoire quasi obsessionnelle de cycles et de grandes plages de temps, qui inquiètent et découragent en s'abattant comme des vagues : Tarr a proposé, pendant près de 2h30, un rythme ternaire, une sorte de roue, que l'on s'évertue, quelques temps encore après que l'image se soit tue, à suivre du regard, comme si une étincelle de sens devait jaillir d'un mouvement perpétuel, d'un cercle roulant sur lui-même. Par là, Tarr s'interroge sur l'oeuvre d'art et son origine, en dévoilant cette question insistante, tortueuse, séduisante : comment diable le nouveau, l'autre (être mais surtout devoir-être), peuvent-ils naître du même ?

 

                                   Parce que le sens, vaporeux et invincible comme le vent dans le film, échappe en partie ; tout est pourtant bien simple, trop simple : un père invalide du bras droit, une fille-femme, un vieux cheval récalcitrant, sont les seuls infividus qui habitent Le cheval de Turin (on n'oublie pas la fulguration discourante, l'éclair-monologue de ce paysan au milieu du film venu se procurer une bouteille d'alcool). Rien ne se passe à l'image, le scénario n'existe pas tellement au sens où l'intrigue n'est pas riche d'événements, les hommes de Tarr répètent leurs actions avec la plus dérangeante mécanicité : la sphère entière de l'existence est ritualisée, périodique - lever de la fille qui sort chercher l'eau de la journée au puits, habillage du père, départ du père en charrette tirée par le cheval, repas composé de deux affreux navets géants, coup d'oeil par la fenêtre, déshabillage du père, couchage, circulez. Rien d'autre que la pauvreté du ménage, le silence des protagonistes et la résistance du cheval. Un accent fataliste, évident, se dessine : acceptation par les personnages d'une lutte avec leurs terribles conditions d'existence, l'air résigné. Un accent pessimiste : la tempête gueule et frappe de plus en plus violemment, la fin du monde approche, le cheval refuse de porter, de manger, de bouger, et bientôt la fille l'imitera et puis le père. Et puis, surtout, un accent nihiliste : pas d'ailleurs, pas d'horizon (refus de suivre les tziganes en Amérique, ce Nouveau monde aux espoirs de richesse (ou riche d'espoirs, c'est selon) : nihilisme post-communiste demandant quelle autre voie peut surgir, contre-balancer le capitalisme archi-dominant ?). La dernière oeuvre de Tarr ne semble offrir aucune issue : l'action est tuée, étouffée à la racine, parce que manque le pourquoi, la raison, quelque chose. Nihilisme au sens où plus aucune valeur ni aucune norme ne peuvent plus guider l'homme, au sens où transcendance et immanence achoppent (lecture religieuse hachée, inféconde d'une part, et puits à sec, absence de ressources, stérilité de la nature d'autre part), au sens où l'homme tourne en rond. Si on veut tant voir un sens jaillir du Cheval de Turin, c'est aussi, dans un curieux jeu de mises en abyme et de substitutions, parce qu'on s'identifie aux personnages de Tarr qui ne voient plus rien jaillir (premier niveau, représentatif), et imitent bientôt le monde qui s'assèche (second niveau, métaphorique), à l'image de l'homme vidé de raisons, non-sensé (troisième niveau, métaphysique). Une roue à trois rayons, une spirale triadique, que sais-je.

 

                              Plusieurs tentations viennent tutoyer, chatouiller un esprit naturellement interprétant : premièrement une tentation métaphysique, sur la fin du monde, l'"acosmisme" et son rapport à l'homme sous la forme de la mort : peur, acceptation, divertissement, résignation, immobilisme... Deuxièmement une tentation politique faisant de ce couple voué à la détresse du cycle l'image de toute famille moderne, soumise au temps et aux rituels, organisés autour des besoins primaires, sans pensée, sans vitalité, sans souffle (alors que dehors, ou le dehors, ça souffle, parbleu). Troisièmement, tentation de nietzschéiser (ou philosopher, mais enfin, les deux termes s'équivalent...) le film, avec les thèmes abordés ou suggérés suivants : cheval de Turin et début de la folie, nihilisme donc, dernier homme, histoire de l'humanité en termes d'esclaves et de nobles et d'apparition de la raison, prophétisme, éternel retour of course. Le mérite de Béla Tarr, ici, c'est de ne pas accréditer une ou les trois tentations : il veut son film optimiste, porté à l'action, et non philosophique (au sens où la philosophie et le cinéma ne partagent pas leurs moyens d'expression, leur "matière"). Devant Le cheval de Turin, en somme : il est permis de rire, de ce rire grinçant qui ne sait plus si le sérieux du film sait et avoue son sérieux, il est permis de rêver, de vagabonder, d'imaginer, de penser un autre monde ou un autre sens, et il est permis de se laisser aller à la beauté intrinsèque des plans de Tarr, de prendre son film comme un poème, comme une forme - de se mettre en roue libre. Trois axes qui dessinent une bien belle oeuvre de cinéma.

 

                                  On comprendra aisément la rétivité de tant de spectateurs à un tel projet (c'est que précisément, quelque chose nous est projeté à la face, un défi, une épreuve), habitués à une intrigue ficelée dans des plans rapides et efficaces. Mais Le cheval de Turin, on l'aura compris, permet, pour un temps que certains estimeront exagérément grand voire invivable, de goûter, de découvrir et d'explorer un espace et un temps qui fissurent nos convenances artistiques. Un espace et un temps, d'ailleurs : si on insiste généralement sur le temps (les cycles, les six jours (et non sept), le temps qui passe et auquel on donne le temps de passer), c'est que l'espace est distribué avec intelligence : le premier plan-séquence indique un trajet jusqu'à la ferme (ultime mouvement), et puis tout se joue là, avec un recentrement opéré sur l'intérieur de la maison, où le vent, le dehors des forces et la tempête ne savent pas progresser. Si le temps se répète, c'est aussi parce que le lieu ne change pas, ne peut plus changer (à cause du cheval) : progressivement, c'est la fixité qui s'impose, c'est un immobilisme forcé, obligé (de la même manière, une éternité ?). Les interminables plans-séquence, de plusieurs minutes chacun, prennent la mesure d'une lourdeur, d'une profondeur, d'une tension qu'on a du mal à voir/vivre comme telles, et qu'on hésite parfois à abandonner, ou qu'on abandonne, devant la répétition et la difficulté de la chose. Les acteurs rendent tout encore plus pesant, alors que s'esquissent parfois quelques rictus sur des visages marqués, dont on se demande bien s'ils provoqueront un dialogue sensé (mais irrémédiablement creux, sans substance) ou un déchaînement de folie (sans que le grand délire riant n'arrive). La musique, identique d'un bout à l'autre du film, est parfaitement adéquate à l'oeuvre visuelle : grinçante, circulaire et ternaire (12/8, ou 4/4 avec des triolets qui mènent les temps, les pulsations et la criarde mélodie). Du cinéma, quoi... 16/20 (si la conscience du fait que l'ennui est volontaire pouvait supprimer l'ennui, la note serait plus haute).

 

 

PS : avec quelques heures de recul, ce Cheval de Turin apparaît bien moins non-nietzschéen qu'en première lecture : la "fin" n'est peut-être pas si pessimiste, nihiliste, anti-nietzschéenne (finale en un sens), si l'on imagine que Tarr peut vouloir bloquer toutes les issues afin de mieux dégager un nouvel élan, une nouvelle histoire, du neuf (on rejoindrait la question initiale : comment quelque chose, et singulièrement une norme, peut-elle naître du néant ?)... Ne pas oublier que pour Nietzsche la transmutation n'est pensable que comme un renversement à la pointe, au sommet - ou à l'abîme - (supposant donc que la décadence, le nihilisme et le pessimisme sont allés jusqu'au bout d'eux-mêmes, se sont radicalisés, ont actualisé leurs ultimes conséquences...).

 

 

4 étoiles-copie-1

 

 

 

 

 

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 12:24

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                     Assez pauvre film de Clint Eastwood, qui n'en finit décidément plus d'une certaine médiocrité au niveau de l'écriture, des idées, du scénario. J. Edgar n'exalte jamais, parce que J. Edgar ne sait pas ce qu'il est - par un ironique retournement des choses, il souffre d'un problème identitaire : s'affichant comme un biopic à doublon réaliste-intimiste, le dernier Eastwood flirte aussi bien avec une ligne historique - naissance du FBI, histoire des institutions - qu'avec une ligne sentimentalo-dramatique qui ne parvient jamais véritablement à décoller ; enfin,pour couronner le tout, le film se décline dans une tonalité critique, plus discrète mais pas moins importante, où le thème du pouvoir, de la loi, de la transparence des identités et du progrès de la surveillance continue sont davantage esquissés, ou montrés, que problématisés. Ce n'est pas tellement qu'un film pour être réussi doive se tenir à l'exigence restrictive et sacrée d'une unique perspective qu'il devrait fouiller, épuiser, totaliser ; seulement ici, J. Edgard souffre de trop de béquilles pour ne pas perdre l'équilibre. Ne sachant plus sur quel appui se soutenir, le film exhibe une décevante fragmentation, que la fade personnalité de J. Edgar Hoover ne parvient jamais à rattraper ; le spectateur, jamais harponné, s'ennuie devant cette difficile dispersion. 

 

                      J.Edgar est trop mou, trop superficiel, trop vide pour être un bon film. Si bien qu'on peut légitimement s'interroger sur la pertinence d'une telle intrigue : à quoi diable sert-il de s'intéresser de près à un tel homme de "pouvoir", si ce n'est l'infâme (intellectuellement)  projet  de révéler des faiblesses sous une invincible carapace ? Pourquoi montrer, sauf l'apologie masquée ou la critique sous-jacente, au demeurant toutes deux absentes, que sous le masque redoutable se cache un visage "humain" affrontant ses démons, que sous l'assurance et les réussites d'un homme figurent les fissures, les passions inavouables, les liaisons ratées, les échecs et les erreurs ? La seule chance d'intéresser à ce compte le spectateur, sans retomber dans l'archétype niais et/ou humaniste, est de découvrir un trésor, une personnalité extra-ordinaire, un monstre ou un ange, un dieu ou une bête. Eastwood n'offre rien de tout cela : sous le bras vigoureux de Big Brother ne gît qu'un gay refoulé proche de sa maman, qu'un ami de la jaquette certes envahi par quelques gênes relationnelles, mais jamais un grand homme - machiavélique ou honorable, qu'importe : au moins eût-il pu se montrer intéressant. Insignifiant, ennuyeux, plat, J. Edgard Hoover ne peut pas à lui seul porter un film. Ou alors, à condition de donner à la fiction un rôle générateur conséquent, de laisser ouverte la porte aux excès, aux folies, aux fantasmes. Mais Eastwood échoue encore à ce stade et peint une pâle, pâle folie : suggérée, inachevée, laissant seulement quelques traces de mythomanie et de propension à la reconstitution falsificatrice de l'histoire...

 

                         Pourtant quelques ingrédients pour un grand film auraient pu être utilisés, réfléchis, problématisés (ce qui ajoute à cette détestable impression de gâchis) : l'identification de soi à un rôle dévorant le soi, à une institution que rien ne doit égratigner, le rapport au temps, à la durée et à la permanence que seul le transfert de soi dans un "autre plus grand" permet, le parallèle entre l'identité fissurée de Hoover et la collection des identités des citoyens, la réduction du privé au public exigée par le principe souverain de sécurité, la difficulté d'une relation inter-individuelle dans un cadre où la norme identitaire prévaut, le problème de la folie au pouvoir... Au lieu de cela, Eastwood propose une intrigue molle, quasi documentaire, enrobée par une réalisation hyper-académique. Un travail sur l'apparence physique des acteurs évoluant sur une cinquantaine d'années est tantôt réussi (pour DiCaprio), tantôt lamentable (pour Hammer). Des rôles finalement inutiles ou insuffisamment travaillés (pauvre, pauvre Naomi Watts) jalonnent le film. Finalement Leo sauve l'affaire du vieux Clint, fatigué, sans plus aucune ambition ni idée. Moche. 8/20.

 

2 étoiles

 

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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 09:00

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Sherlock Holmes

 

 

                     Le célèbre personnage de Sir Arthur Conan Doyle arrive sur grand écran, dépoussiéré par un Guy Ritchie en grande forme et porté par un extraordinaire (comme souvent) Robert Downey Jr.

 

Synopsis : "Aucune énigme ne résiste longtemps à Sherlock Holmes... Flanqué de son fidèle ami le Docteur John Watson, l'intrépide et légendaire détective traque sans relâche les criminels de tous poils. Ses armes : un sens aigu de l'observation et de la déduction, une érudition et une curiosité tous azimuts ; accessoirement, une droite redoutable... Mais une menace sans précédent plane aujourd'hui sur Londres - et c'est exactement le genre de challenge dont notre homme a besoin pour ne pas sombrer dans l'ennui et la mélancolie. Après qu'une série de meurtres rituels ait ensanglanté Londres, Holmes et Watson réussissent à intercepter le coupable : Lord Blackwood. À l'approche de son exécution, ce sinistre adepte de la magie noire annonce qu'il reviendra du royaume des morts pour exercer la plus terrible des vengeances. La panique s'empare de la ville après l'apparente résurrection de Blackwood. Scotland Yard donne sa langue au chat, et Sherlock Holmes se lance aussitôt avec fougue dans la plus étrange et la plus périlleuse de ses enquêtes..."

 

                  Sur le fond, il s'agit d'un film d'enquête relativement classique : bon scénario, duo de personnage aux caractères opposés, rebondissements, indices minutieux repérés par Sherlock et inaperçus par le spectateur (en tout cas moi). Du déjà vu bien fichu.

 

                   Toutefois, la vraie réussite de ce film est formelle. Sans parler (en fait, si...) de la qualité des décors et de l'image, qui nous plonge dans une magnifique Londres victorienne, Guy Ritchie livre un film où l'on ne s'ennuie pas ! Deux points forts :
Premièrement, le casting, et principalement le duo Robert Downey Jr./Jude Law (accompagné de l'excellent Gladstone), qui livre une partition sans fautes en apportant à ce film d'aventure l'humour nécessaire (en particulier avec des dialogues juteux et de sublimes joutes verbales).

Deuxièmement, la réalisation : Guy Ritchie arrive à rendre le film aussi jubilatoire que sa trilogie de l'arnaque (Arnaque, crime et botanique, Snatch, et Rock'n Rolla), et cela sans délirer. Et puis, superbe innovation : Sherlock explique sa technique de combat au ralenti (et toujours avec humour) avant de la réaliser. Innovation qui devient malheureusement un point faible assez rapidement parce que sous-utilisée (deux fois au début du film et puis plus rien... gâchis).

 

Pour résumer, un excellent film d'action/aventure porté par d'excellents acteurs, avec une superbe réalisation, mais qui souffre d'un scénario un chouilla trop classique, et d'une idée trop peu reprise.

 

4 étoiles

 

 

 

Sherlock Holmes 2

 

 

Je ne vais pas faire durer le suspense : s'il est rare que les suites soient meilleures que le premier film, c'est le cas ici : j'ai sérieusement kiffé !

Synopsis Allociné : "Sherlock Holmes a toujours été réputé pour être l'homme à l'esprit le plus affûté de son époque. Jusqu'au jour où le redoutable professeur James Moriarty, criminel d'une puissance intellectuelle comparable à celle du célèbre détective, fait son entrée en scène… Il a même sans doute un net avantage sur Holmes car il met non seulement son intelligence au service de noirs desseins, mais il est totalement dépourvu de sens moral. Partout dans le monde, la presse s'enflamme : on apprend ainsi qu'en Inde un magnat du coton est ruiné par un scandale, ou qu'en Chine un trafiquant d'opium est décédé, en apparence, d'une overdose, ou encore que des attentats se sont produits à Strasbourg et à Vienne et qu'aux Etats-Unis, un baron de l'acier vient de mourir…Personne ne voit le lien entre ces événements qui semblent sans rapport, hormis le grand Sherlock Holmes qui y discerne la même volonté maléfique de semer la mort et la destruction. Et ces crimes portent tous la marque du sinistre Moriarty. Tandis que leur enquête les mène en France, en Allemagne et en Suisse, Holmes et Watson prennent de plus en plus de risques. Mais Moriarty a systématiquement un coup d'avance et semble tout près d'atteindre son objectif. S'il y parvient, non seulement sa fortune et son pouvoir seront sans limites, mais le cours de l'Histoire pourrait bien en être changé à jamais…"

                      Similaire au premier opus, Sherlock Holmes 2 est beaucoup plus abouti, complet, et constant (peut-être Guy Ritchie a-t-il bénéficié de davantage de liberté suite à la réussite du premier). Si vous avez aimé le premier, je ne peux que vous recommander fortement d'aller voir cette suite (à l'inverse, fuyez si vous avez mauvais goût.... pardon, pas apprécié).

 

                       Guy Ritchie propose un film d'une superbe qualité, une réalisation qui place le spectateur au coeur de l'action (cf. la scène dans le bois),  des décors et une image de qualité (comme dans le premier), des scènes au ralenti bien dosées, et une ambiance générale centrée sur les émotions des personnages (tout cela évidemment lié à un bon jeu d'acteur). L'intrigue est extrêmement bien montée, pensée dans les moindres détails : une longue exposition de fragments sans cohérence, jusqu'à ce que le puzzle s’assemble parfaitement en n'oubliant aucun élément (et prouvant par là l'utilité de tous les éléments).

 

                        On retrouve bien évidemment le duo Downey Jr/Law accompagné de la mystérieuse Noomie Rapace (et Stephen Fry le présentateur TV de V pour vendetta, dans le rôle du frère de Sherlock). Le personnage de Sherlock Holmes est encore plus barré que dans le 1, sous coke : une sorte de Chev Chelios, en hypertension. Le personnage devient également plus complexe, plus riche, multipliant les facettes. Mention à Robert Downey Jr qui est parvenu, comme Johnny Depp pour Jack Sparrow ou Heath Ledger pour le Joker, à donner vie à Sherlock Holmes.

 

                      Enfin, ce qui manquait au premier film : un adversaire de taille ! Ritchie offre un excellent duel entre Sherlock et Moriarty, duel d'esprit, d'échecs, ponctué par un final... parfait. Petit point négatif (mais pas directement lié au film) : la VF ! Certaines parties se passent en français (dans la VO) et deviennent donc sous-titrées, mais dans la VF on obtient du français sous-titré français : oui, quand même.

 

Pour conclure, il reste certainement quelques défauts, mais dans le style "divertissement", c'est mon meilleur moment de ciné 2011 (vu en décembre).

 

5 étoiles

 

 

 

Vive les geeks, vive les bourrins, et vive le cinéma (de divertissement) !

@+
DTJ

 

 

 

 

"L'oeil de DTJ, le geek-caribou" sur le Tching's Ciné : consultez l'Index !

 

 

 

 

 

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 17:00

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                        Bon film de David Cronenberg, en mode intimiste, sur la relation amicale, sexuelle, et professionnelle de trois personnages : Sabina Spielrein (moyenne Keira), patiente du psychiatre Carl Jung (décidément très bon Michael Fassbender, qui enchaîne les volets licencieux), et vient à entrer en relation avec le "père" de Jung, Sigismond himself (Viggo). Film intimiste donc, mais pas intime, au sens où A dangerous method développe une réflexion qui mine Cronenberg depuis ses tout premiers films, à savoir la thèse selon laquelle tout est sexuel - le sexe, c'est entendu, mais aussi manger, parler, respirer, et aussi penser, mais surtout ne pas penser (vivre, pour la faire courte). Cette intuition fantasque, fantasmée de Cronenberg, déjà esquissée par quelques personnages dans les Seventies et poursuivies jusqu'au plus récent Crash, sonne comme une des antiennes du réalisateur, explorateur s'il en est des coutures, des prothèses, des métamorphoses du corps. Ici la thèse "tout est sexuel" s'incarne dans le personnage du bon vieux Dr. Freud, et sa thèse pan-explicative de la libido. En dissenssion de plus en plus nette avec cette thèse, Jung of course, qui refuse ce principe explicatif universel trop facile : les fractures du moi et de la conscience n'ont pas une origine purement sexuelle, et la psychanalyse, sauf respect pour le grand-père, doit s'ouvrir à d'autres sphères sous peine de pérécliter.

 

                          Le problème de Jung, évidemment, c'est cette hystérique de Spielrein, qui non seulement prouve la thèse de Freud - origine sexuelle de sa folie - mais en plus le rend fou, lui, Jung - le film joue, sans trop approfondir, sur ce renversement, mieux cette réversibilité entre fou et médecin, chacun des trois personnages manifestant à l'excès leur dualité : Spielrein hystérique et bientôt médecin, Jung médecin et fou affectif de Spielrein, Freud médecin-père et fou-père, ne lâchant sur aucun point de ses thèses pour maintenir son autorité sur Jung en même temps que la survie de l'institution psychanalytique. Le problème est donc toujours le même : l'anomie des désirs et des pulsions. Problème évidemment contemporain, au plus grand plaisir de Cronenberg : qu'est-ce qui peut légitimement normer, c'est-à-dire ici régler, mesurer, réfréner, le sexe, la libido, l'intensité ? Si Jung succombe à son désir, il répond à celui de Spielrein, et, en couchant avec elle, prouve Freud (enfin, moins Freud qu'Otto, hyperbole de la thèse freudienne et sorte de monstre esclave de ses désirs, conduit par l'unique maxime : "ne rien refouler en soi").

 

                             A dangerous method n'est pas raté, sans être abouti : hésitant entre un drame sentimental et un biopic sur les deux pères de la psychiatrie moderne, Cronenberg joue simultanément sur les deux plans de la relation (affective) Jung-Spielrein et (scientifique) Jung-Freud, sans gagner en intérêt ni en passion. La réalisation est très bonne, cela va sans dire, mais l'intrigue manque d'un quelque chose pour décoller - même si les deux plans, encore une fois, sont bien traités, et même articulés. Keira en fait un peu trop, et nuit au jeu des deux autres acteurs, Mortensen et Fassbender, fascinants et justes. La musique, mouais. On attend tout de même davantage de Cronenberg. Manquent finalement, peut-être, une originalité, une folie, une ambition sur le fond et la forme : 15/20.

 

3 étoiles et demi

 

 

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